William Kentridge (1955-), More Sweetly Play the Dance, 2015, dimensions variables, installation vidéo 8 canaux haute définition, 15 min, avec 4 porte-voix,
Ottawa, musée des beaux-arts du Canada.
Ci dessous, le texte de présentation de More Sweetly Play the Dance sur le site du CNAP (Centre National d'Arts Plastiques)
# Présentée pour la première fois en 2015 au musée du cinéma d’Amsterdam EYE, « More Sweetly Play the Dance » est une installation immersive et monumentale plurimédia,
mêlant entre autres musique, performance, ainsi que dessins au fusain et collages que William Kentridge photographie en séquence et transforme en image animée.
L’installation dépeint une procession de silhouettes à contre-jour à la manière d’un théâtre d’ombres. Elle s’étend du sol au plafond, encerclant le regardeur sommé de
rejoindre cette danse macabre qui débute, conduite et rythmée par une fanfare aux accents révolutionnaires.
# Une bande hétéroclite de silhouettes anonymes à taille humaine marche, danse, titube et se traîne à travers la pièce, d’un écran à l’autre, s’avançant devant un paysage
dévasté, égratigné et sali de l’encre indienne de William Kentridge. Certains, malades, avancent lentement appuyés sur leur perfusion. D’aucuns traînent des ballots,
des cadavres, des chariots où pérorent des hommes politiques aux allures de Chaplin dans Le Dictateur. D’autres crient dans de volumineux porte-voix, agitent des drapeaux,
hissent les visages de héros connus et inconnus, chinois et romains, à la manière de manifestations sociales. On y voit aussi des musiciens et des prêtres guillerets qui se
déplacent en portant des couronnes mortuaires, rappelant des images de processions funéraires. Des squelettes dansants évoquent, enfin, une danse macabre médiévale.
# La composition de cette oeuvre monumentale, loin de se constituer en énoncé déclaratif, sollicite la pensée associative - caractéristique du travail de William Kentridge -
et le ressenti du spectateur, et se distingue ainsi par son grand pouvoir évocateur. On y devine les racines sud-africaines de l’artiste, le temps passé entre Paris et Pékin.
Certaines références visuelles s’affirment : la Longue Marche de l’Armée rouge chinoise, les convois funèbres à la Nouvelle Orléans, la célébration du Jour des Morts au Mexique...
Mais la procession de silhouettes au bord de l’effondrement sous le poids des bagages, marchant en direction d’un futur incertain, fait aussi et surtout référence aux flux et
traversées des réfugiés. Les réfugiés de toutes origines, de tous temps. À commencer par les images diffusées de nos jours dans les médias représentant des groupes toujours plus
nombreux contraints à l’exil suite à des conflits armés. Marchant pour leur survie.
La représentation, ses langages, moyens plastiques et enjeux artistiques.
William KENTRIDGE (1955-)
William Kentridge (1955-), More Sweetly Play the Dance, 2015, dimensions variables, installation vidéo 8 canaux haute définition, 15 min, avec 4 porte-voix,
Ottawa, musée des beaux-arts du Canada.
# Dans l'oeuvre de William Kentridge, la représentation est omniprésente. Celle de l'humain en général. L'oeuvre de Kentridge, sensible et poétique, parle de l'humain dans ses activités les plus belles comme les plus regrettables : la décolonisation, l'Apartheid, les conflits politiques... Par le biais de la représentation, Kentridge propose un regard critique sur le monde contemporain et son histoire.
William Kentridge devant un fragment de l'une de ses oeuvres
# La représentation, dans l'oeuvre de William Kentridge, sert un propos, raconte une histoire en dialoguant avec d'autres formes d'expressions artistiques comme le théâtre, la performance, la danse, l'animation. Dans l'oeuvre de William Kentridge, le mot représentation est à prendre dans tous ses sens : celui de l'image dessinée qui représente le monde et les choses et celui, plus théâtral, qui relève de l'oeuvre qui se déroule sous nos yeux.
# C'est parce que les oeuvres de Kentridge parlent du monde et de son histoire qu'elles nécessitent de le montrer. Kentridge pose un regard sur le monde qu'il cherche à montrer par fragments. La représentation s'est donc imposée à cette volonté de raconter et de révéler des histoires, petites ou grandes, poétiques ou critiques.
# Mais Dans l'oeuvre de Kentridge, la représentation ne constitue pas la finalité de l'oeuvre. En effet, par ce procédé "d'animation du pauvre" qu'il a inventé, Kentridge envisage la représentation comme une étape nécessaire au processus créatif. Ce procédé d'animation du pauvre consiste à réaliser l'oeuvre animée sur un seul support, à en retravailler certaines parties, en ajoutant ou en effaçant certains éléments et à filmer image par image les différentes étapes de la "fabrication" es images.
# Avec William Kentridge, la représentation n'est donc jamais définitive. Le dessin n'est pas une fin en soi ; il est éphémère et le film d'animation qui en résulte est l'unique dépositaire de ses différentes évolutions.
# S'il reste un dessin, alors ce sera la dernière étape d'une longue mise en oeuvre graphique constamment modifiée. Ce dernier dessin est donc le témoignage d'un processus et ne peut en aucun cas être considéré comme l'oeuvre à part entière.
# La représentation, dans l'oeuvre de Kentridge est donc autant dessinée que théâtrale : A la manière d'une représentation théâtrale, le dessin se déroule sous nos yeux, gardant en lui même des traces de ce qu'il a été. C'est peut-être parce que Kentridge a suivi une formation en théâtre et en mime que ses dessins s'élaborent dans le temps et s'animent sous nos yeux.
William Kentridge, image fixe tirée de More Sweetly Play the Dance, 2015, installation vidéo 8 canaux haute définition, 15 min,
avec 4 porte-voix, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.
Dans l'oeuvre More Sweetly Play the Dance, la représentation graphique du dessin entre en résonnance avec les objets représentés puis découpés, et transportés par les acteurs qui servent la représentation plus théâtrale de cette Danse Macabre moderne.On pourrait presque dire que dans les oeuvres de Kentridge, La représentation entre en représentation.
# Pour More Sweetly Play the Dance la représentation sert la représentation et la mise en scène imaginée par l'artiste. More Sweetly Play the Dance est une oeuvre d'art totale qui stimule presque tous les sens du spectateur et construit une histoire que le spectateur peut réinventer à chaque nouvelle rencontre.
Appréhension et compréhension du réel
Observer, enregistrer, transposer, restituer...
# L'oeuvre de William Kentridge est basée sur la représentation. C'est-à-dire qu'il construit des images qui offrent l'apparence sensible de choses et d'êtres dont elle sont les équivalents. La plupart du temps, et c'est bien le cas pour "More Sweetly play the Dance", les oeuvres de Kentridge entraînent le spectateur dans une réflexion sur l'humanité et ses dérives inquiétantes.
Cette longue procession à laquelle nous assistons face à "More sweetly play the dance" présente des êtres dont nous pouvons saisir à peu près qui ils sont dans leur singularité mais leur présence dans l'oeuvre représente des idées plus générales, plus symboliques et souvent plus spirituelles telles que les grands sujets politiques et sociaux, passés ou présents, qui ont forgé le monde d'aujourd'hui...
# William Kentridge se place en observateur du monde et c'est au travers de ses dessins et oeuvres qu'il transmet son appréhension et sa compréhension du monde. Kentridge ne fait finalement que transposer et restituer ce qu'il a vu et ce qu'il voit des grands enjeux politiques et sociaux qui déterminent nos sociétés contemporaines, et plus précisément pour Kentridge, toutes les ambiguïtés de l'Afrique du Sud contemporaine.
# Cette vision politique est pleinement assumée par l'artiste qui affirme :" disons que je me suis toujours intéressé aux rapports politiques et que je considère que je pratique un art politique
# Observer, enregistrer, transposer et restituer le monde. N'est-ce pas la fonction principale du dessin et par extension, de l'art en général. Les premières représentations animales sur les murs des cavernes dans l'art dit pariétal ne sont-elles pas les restitutions des heures passées par ces dessinateurs d'un autre temps à observer la faune animale qui constituait en quelque sorte leur "monde". Observer et enregistrer le monde, c'est se l'approprier, c'est le comprendre. D'une certaine façon, William Kentridge nous donne à voir ce qu'il a compris du monde.
Intention et communication
Elaborer, prévisualiser, diffuser un projet ou une réalisation...
# Le processus d'élaboration des oeuvres de William Kentridge est assez fascinant. C'est un bricoleur. C'est-à-dire que ses oeuvres prennent corps dans un dialogue permanent entre les idées de l'artiste et ses expérimentations pratiques sur la table de son atelier.
# D'une certaine façon, l'artiste pense autant avec la tête qu'avec ses mains : lorsqu'il manipule, découpe, déchire, colle, dessine, ses idées se construisent et se forgent avec plus de poids et une charge expressive largement amplifiée.
# Seul ou accompagné de ses assistants, Kentridge semble passer du temps à élaborer des images qui ne sont souvent que des fragments pour ses oeuvres plus abouties. Ce temps est nécessaire à l'artiste pour prévisualiser, réfléchir, comprendre et accepter ce qui est en train de se jouer dans sa propre pratique artistique. Marcel Duchamp expliquait dans un entretien que l'artiste, c'est celui qui fait des choix.
# Kentridge prend le temps de faire ses choix. et pour cela, il installe, regarde, transforme, rectifie ses réalisations pour qu'elles correspondent véritablement aux idées qu'il cherche à exprimer.
Pratique artistique en soi, variété des approches, jeux sur les codes...
# Si le dessin constitue une pratique à part entière pour William Kentridge, il n'en demeure pas moins la seule. Au cours des années 1980, Kenrtidge pose les bases de son vocabulaire formel avec se premiers films d'animation : des dessins réalisés au fusain qui se construisent au fur et à mesure sur un seul et unique support, par apparition et effacement d'images qui se succèdent et construisent progressivement un mouvement et une trame narrative. Le processus de création de ces petits films d'animation se réalise dans un processus de construction/déconstruction particulièrement intéressant puisque le dessin n'est qu'un outil de cette réalisation et non une fin en soi.
Extrait de « Vetkoek - Fête Galante », 1985, film 16 mm transféré en vidéo, 2 min 41 sec
# J'ai fait ce film à l'aide d'un appareil photo Bolex 16 millimètres qui pouvait filmer une image à la fois, qui m'avait été prêté. Je l'ai installé dans mon atelier, avec un rouleau de film, et j'ai décidé que tout ce qui se passerait dans l'atelier, et quiconque y entrerait pendant que je travaillais sur les dessins au fusain, serait inclus. J'ai réalisé ce film sur une période de deux jours et il enregistre moi-même, ma femme, mes amis, notre fille Alice, sa nounou, ses amis, une personne qui est venue à la porte d'entrée pour demander de la nourriture - toute personne qui est entrée dans l'atelier et a été filmée.
# J'ai montré "Vetkoek - Fête Galante" à mon ami Angus Gibson, qui était monteur, et il m'a fait remarquer qu'en fait, le plus intéressant était les dessins animés au fusain. Il m'a suggéré de faire un film entièrement fait de ces dessins au fusain, ce qui à l'époque était très intimidant parce que c'était une façon très lente de travailler. Mais j'ai suivi son conseil, et cela a conduit au premier de la série des "Dessins pour la projection", et ils sont tous partis de là.
# Les éléments ici qui se prolongent dans tous les films qui ont suivi "Vetkoek - Fête Galante" étaient le mélange de texte, les masques utilisés dans le spectacle vivant et, bien sûr, l'animation image par image.
# Quelles que soient les oeuvres de William Kentridge, il y a toujours du dessin. C'est une pratique à laquelle l'artiste ne peut se soustraire. Probablement parce que c'est une pratique qui ne nécessite que très peu de moyens et qui constitue l'outil le plus immédiat pour l'artiste afin d'appréhender et retranscrire le monde.
Outils du dessin conventionnels, inventés, détournés
Continuité, adaptation, réinventions...
# Si Kentridge exploite les outils tradditionnels comme le fusain ou l'encre de chine, il en réinvente et détourne sans cesse les conventions et envisage le dessin dans des formes plus larges et variées. Ainsi que l'on peut le voir dans More sweetly play the dance, les objets et figures portés par les protagonnistes de la procession sont des "dessins" transformés en "volumes" pour les besoins de l'oeuvre. Aussi le dessin n'est-il qu'une étape dans la construction d'une oeuvre multiforme qui efface les frontières entre les disciplines, se nourrissant des arts plastiques, du théâtre, de l'opéra et de la danse, du cinéma et des pratiques collagistes apparues au cours du XXème siècle.
Extension du dessin
Diversité des supports, des échelles, virtualité, espace ou paysage comme matériaux du dessin...
# Protéiforme, l'oeuvre de William Kentridge se joue au travers d'une grande diversité des supports. Que ce soit dans les pages d'un livre ou par le biais d'installations immersives comme More sweetly play the dance ou encore au travers de ses films d'animation, le dessin est toujours présent dans ses oeuvres. La représentation par le dessin constitue un point de départ nécessaire dans le processus créatif de l'artiste qui s'autorise à l'exploiter sous toutes ses formes et surtout à en étendre les possibilités.
# Avec William Kentridge, le dessin est pratiquement à la base de tout. Ce sont les modes de diffusion de ce dernier qui évoluent selon les besoins de l'artistes et en fonction des projets qu'il réalise, parfois confidentiels, parfois monumentaux. Kentridge semble réinventer sans cesse sa propre pratique du dessin et des dispositif de présentation de ce dernier.
Affirmation ou mise à distance du geste, de l'instrument, de la trace... Possibilités ouvertes par la machines, les technologies numériques...
# Il ya dans l'oeuvre dessinée de Kentridge une véritable affirmation du geste et une "présence" incontestable du corps de l'artiste dans ses dessins. Kentridge joue avec les imperfections du geste et ne cherche pas à atteindre un réalisme photographique au travers de ses dessins. Ce qui semble intéresser l'artiste, c'est la matière même du dessin (notamment au travers de l'usage du fusain et des traces que laisse ce dernier sur le papier dans les séquences animées).
# Dans More sweetly play the dance, les fonds gris réalisés au fusain créent une matière mouvante qui "danse" au rythme de la procession. Les traces visibles du fusain et de ses effacements et modifications successives évoluent au rythme de la procession qui défile sous les yeux du spectateur. Le fond n'est dès lors pas qu'un simple fond, il participe d'un ensemble pensée dans sa globalité. Comme le reste, il est mouvant, changeant. Chaque trace, chaque témoignage de la gestualité mise en oeuvre par l'artiste devient dès lors un fragment significatif, un détail qui alimente et qui participe de la cohérence et de l'homogénéité de l'oeuvre aboutie.
# Kentridge ne cherche pas à cacher le geste graphique. Bien au contraire, il l'affirme et le revendique pour en explorer les possibilités expressives, quand bien même celles-ci seraient nées de manière inintentionnelle au cours de l'élaboration de l'oeuvre. Ce constat témoigne de la volonté de l'artiste d'ancrer sa pratique dans une certaine forme d'expressionnisme de l'image qui participe de la transmission des idées que Kentridge cherche à véhiculer au travers de ses représentations.
L'artiste dessinant
Mimesis, ressemblance, vraisemblance et valeur expressive de l’écart
# Dans l'oeuvre de William Kentridge, le dessin est omniprésent. C'est peut-être même la technique qui représente l'activité principale de son travail et de ses recherches. Très souvent, le dessin est très peu considéré par les artistes qui lui préfèrent des pratiques plus spectaculaires et abordent le dessin pour leurs esquisses préparatoires.
# William Kentridge a su donner au dessin une force expressive et une monumentalité remarquables dans des réalisations aussi spectaculaires que les oeuvres monumentales les plus connues. Tout en s'appuyant sur des formes empruntées au réel, les dessins de Kentridge ne s'enferment pas dans une simple représentation mimétique du monde. Kentridge au contraire parvient à "torturer" la ligne et la matérialité du dessin pour exprimer sa vision du monde.
# Non pas enfantin, le dessin de Kentridge est "expressionniste". Le dessin de Kentridge se fait l'héritier des pratiques des Expressionnistes Allemands qui en leur temps envisageaient les déformations de la ligne et les écarts avec le réel comme un moyen de bousculer l'ordre établi et d'éveiller les consciences face aux inégalités sociales qu'avait engendré la société industrielles de la fin du XIXème siècle.
# Il y a toutefois quelque chose de plus dans l'oeuvre de Kentridge. Si l'on peut considérer sa pratique du dessin comme une pratique "pauvre" au travers de laquelle l'économie des moyens et le bricolage semblent être de rigueur, on ne peut nier que les dispositifs d'animation et (in fine) d'exposition de ses projets transfigurent les dessins de Kentridge et leur confèrent une aura et une présence des plus singulières.
# Kentridge dessine, c'est certain. mais le dessi n'est pas la finalité de son travail. Kentridge met le dessin au service d'un projet qui dépasse le cadre du support qu'il exploite. La pratique du dessin aide très certainement Kentridge à construire le cheminement de ses idées et de ses projets et à en construire l'ossature principale à laquelle viennent se greffer d'autres techniques et savoir-faire ainsi que d'autres domaines artistiques comme le théâtre et la danse.
# Les images de Kentridge dans son atelier montrent combien le dessin occupe une place importante dans la construction de la pensée et des projets de l'artiste. Partout sont accrochés des dessins qui sont les fragments d'oeuvres plus ambitieuses en cours de réalisation. L'artiste s'entoure de ses réalisations et favorise ainsi, dessin après dessin, l'émergence d'un univers poétique singulier, foisonnant, homogène et cohérent.
# D'une certaine façon l'on peut dire que l'atelier de Kentridge devient, au cours de la réalisation de ses projets, une sorte de petit musée de la "pensée Kentridgienne". C'est un petit "musée de la débrouillardise" grâce auquel chaque nouveau dessin se construit en regard des précédents. Une trouvaille en appelle une autre. Par cet accrochage permanent de ses réalisations dans son atelier, l'artiste dessinant se regarde dessiner. C'est-à-dire que chaque nouveau dessin se fait le fragmet d'un dessein en regard de ceux qui l'ont précédé. Cet accrochage sur les murs de l'atelier, c'est la pensée de l'oeuvre qui se construit dans l'espace et qui englobe et plonge l'artiste dans son propre univers, comme pour mieux l'y intégrer et lui permettre peut-être de mieux le comprendre et l'appréhender...
Représentation du corps et de l'espace
Pluralité des approches et partis-pris artistiques.
# C'est maintenant un fait établi, le dessin de Kentridge est figuratif et expressif. Dans More sweetly play the dance, les dessins de kentridge se mêlent aux images plus réalistes des corps filmés des acteurs de la procession. Dans cette oeuvre majestueuse, les squelettes sont les seules représentations de "corps" dessinées. Ces squelettes, par leur aspect presque burlesque, s'opposent par leurs attitudes et leurs mouvements aux corps lourds et lent des processionnaires et renforcent ainsi cette impression que peut ressentir le spectateur que la mort, dans une "danse macabre", s'amuse du triste sort de la condition humaine...
# D'une manière plus générale, la représentation du corps dans l'oeuvre dessinée de Kentridge est souvent déterminée par l'univers général de l'oeuvre. Parfois très déformé et parfois très proche de la réalité. On ne peut pas penser qu'il existe un style Kentridge. Kentridge adapte son dessin à ses besoins en fonction de la tournure que va prendre chacun de ses projets.
# On ne peut toutefois pas faire abstraction des influences culturelles qui alimentent la pensée de l'artiste : l'Expressionnisme Allemand avec Georges Gorsz, Otto Dix, Max Beckmann, Ernst Ludwig Kirchner... le Dadaïsme et notamment les collages de Raoul Hausmann, les masques de Marcel Janco, les costumes de Sophie Taeuber-Arp... Et puis il y a aussi le cinéma de Georges Méliès auquel Kentridge a emprunté des "recettes" de bricoleur...
# En fonction de ses besoins, William Kentridge sait s'accomoder d'associations de styles, d'expérimentations singulières et du métissage de différentes cultures. C'est là la force du bricolage qui préside à l'oeuvre de Kentridge. L'artiste ne se résout pas à se contraindre à une manière de faire. Il adapte ses principe de représentation (du corps et de l'espace) à la nature de ses projets.
# Kentridge sait dépasser les stéréotypes stylistiques et les système de représentation établis pour inventer ses propres systèmes de représentation et c'est justement là que réside la force de son travail : chaque nouvelle oeuvre peut surprendre le spectateur et le déstabiliser par rapport à ses attentes à l'égard du travail de sa propre connaissance du travail de l'artiste.
# Touche à tout et véritable inventeur, l'artiste renouvelle en permanence ses manières de représenter le monde, ses dispositifs de création et d'exposition et il inscrit sa pratique dans une pluralité des approches et des partis-pris artistiques, proposant ainsi au spectateur une nouvelle expérience esthétique à chaque rencontre avec l'une de ses oeuvre.
La figuration et l'image, la non-figuration.
William KENTRIDGE (1955-)
William Kentridge (1955-), Samll Silhouettes pour More Sweetly Play the Dance, 2014-2015, Peinture acrylique sur acier inoxydable découpé au laser, 76,8 x 88,3 x 0,3 cm, présentées ici à la galerie Marian Goodman, New York
# On parle de figuration quand l'art "représente l'aspect sensible d'êtres et de choses". Il y a figuration dès lors qu'il y a représentation mais il ne suffit pas simplement que l'oeuvre organise de manière singulière des formes, des masses et des couleurs ; Anne Souriau, dans Vocabulaire d'esthétique, insiste sur le fait que l'art figuratif "représente autre chose" que ce que l'on voit. L'oeuvre figurative est selon elle à interpréter comme si explique-t-elle, "l'oeuvre pose, à travers elle-même autre chose qu'elle-même".
# Envisager la figuration, ce n'est pas proposer un double du monde et des choses. L'oeuvre, et on le ressent très bien dans les dessins de William Kentridge, peut ne pas avoir rigoureusement l'apparence de la chose. L'art figuratif peut suggérer plus qu'il n'imite. Pour Anne Souriau, "l'art figuratif permet de faire mieux saisir la réalité que ne le ferait la vision directe de la chose, par la maière dont il met en valeur des traits essentiels.
# Presque sans hésiter, on peut penser que c'est bien ce qui est à l'oeuvre dans le travail de William Kentridge : en simplifiant, en stylisant et en jouant avec des figures réelles qu'il associe à des décors et objets dessinés, Kentridge invite le spectateur à interpréter ce qu'il voit pour mieux en saisir le sens de l'oeuvre. Les dispositifs figuratifs de Kentridge mettent l'accent sur les éléments essentiels de ce que l'artiste cherche à dire et à montrer de ses engagements personnels et de son appréhension du monde.
Figuration et construction de l'image
Figuration et construction de l’image : espaces narratifs de la figuration et de l’image, temps et mouvement de l’image figurative
William Kentridge (1955-), vue d’installation de More Sweetly Play the Dance, 2015 à la Marian Goodman Gallery, New York, 2016, installation vidéo 8 canaux haute définition, 15 min, avec 4 porte-voix. Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa
# More Sweetly play the dance est une installation littéralement immersive qui propose au spectateur de vivre une expérience visuelle hors du commun tant l'oeuvre flirte avec la monumentalité.
Le format de l'installation impose effectivement sa présence dans l'espace d'exposition. La multiplication des écrans dans l'espace de la salle d'exposition ainsi que les différentes orientations de ceux-ci créent un ensemble qui engloble le champ de vision du spectateur si bien qu'il est presque impossible de saisir l'ensemble des groupe de personnages simultanément.
# Le format tout en longueur impose au spectateur de balayer la surface des écrans pour saisir la globalité de l'oeuvre. C'est donc par bribes que le spectateur va appréhender l'oeuvre en fixant un temps son attention sur un groupe de personnages, puis sur un autre groupe, et ainsi de suite.
# Plus que les images, c'est le dispositif de présentation de l'oeuvre qui construit son espace propre. Les images, en elles-mêmes, sont finalement très frontales. C'est-à-dire qu'elles ne suggèrent pas de vastes étendues et marquent très imperceptiblement l'illusion de la profondeur : les personnages évoulent en effet devant un fond très neutre qui ne laisse que peu de place à la perspective. Au tout premier plan, des éléments graphiques symbolisant quelques structures végétales se superposent à la présence des processionnaires.
# Ce principe de représentation résonne avec les "Danses Macabres" de la fin de l'époque médiévale comme celle de la Chaise-Dieu en Haute-Loire. Les personnages y sont représentés en ligne, au premier plan de l'image et sans artifices perspectifs afin de concentrer l'attention du spectateur sur la scène qui se déroule sous ses yeux. C'est également en regard de son format très horizontal et linéaire que l'oeuvre de Kentridge rappelle les dispositifs spatiaux de représentation des "Danses Macabres" médiévales qui elles-mêmes invitaient le spectateur à un véritable parcours visuel.
# On peut également très facilement établir un lien entre l'oeuvre de Kentridge et la Tapisserie de Bayeux également réalisée à l'époque médiévale. L'aspect très linéaire de la broderie montre combien ce type de format s'adapte particulièrement à la narration d'une histoire. Avec More sweetly play the dance, William Kentridge n'a finalement fait que transposer des principes de représentation et de narration traditionnels avec les moyens techniques que lui offre le XXIème siècle.
Figuration et construction de l'image
Dispositifs de la narration figurée : depuis la tradition de la fresque et du polyptyque jusqu’aux dispositifs multimédias, inscription dans un espace architectural…
# un polyptyque est une oeuvre constituée de plusieurs panneaux assemblés les uns aux autre. Dans leur acception première, les polyptyques sont le plus souvent des oeuvres associées à la tradition artistique religieuse catholique. L'histoire de l'art de l'Europe occidentale regorge d'exemples de polyptyques. Le plus souvent, ce sont des retables dont on déployait les panneaux pour accompagner les offices religieux.
Rogier van der Weyden (1400-1464), Le retable du Jugement Dernier, 1443-1452, peinture à l'huile sur bois, 220 x 548 cm, Hôtel-Dieu, Musée des Hospices de Beaune
# Il est évident que More sweetly play the dance, dans sa construction, rappelle ces oeuvres à panneaux multiples de l'histoire de l'art. Le regard du spectateur suit les personnages de la procession panneau après panneau, peut revenir en arrière et aller de l'avant... On peut également penser aux grands ensembles de fresques tels que celles de la Chapelle des Scrovegni réalisées par le peintre Giotto entre 1303 et 1306.
# Construire une oeuvre sur le principe du polyptyque semble être une solution réellement adaptée à la narration. La Bande dessinée n'est-elle pas, sous une forme miniature, construite sur le principe du polyptyque ?
# Comme cela se produit dans la bande dessinée, le Polyptyque permet au spectateur de jongler entre une vision globale de l'oeuvre et un regard plus ciblé sur certains détails de chaque panneau, cadre ou écran. C'est ici ce qui se joue dans l'oeuvre de Kentridge. On retrouve également ce procédé de construction dans une oeuvre de l'artiste vidéaste Gary Hill, Inasmuch As It Is Always Already Taking Place.
Gary HILL (1951-), Inasmuch As It Is Always Already Taking Place, 1990, installation vidéo et sonore, 16 canaux.
# Sans vraiment raconter une histoire, l'assemblage et le dispositif de présentation simultané des 16 écrans de cette oeuvre fini par construire des "petites histoires" dans l'esprit de celui qui les regarde. On peut sans conteste penser que l'oeuvre est même polysémique et que l'apparition du sens sera généralement liée aux expériences vécues par les spectateurs.
# L'oeuvre de Kentridge fonctionne de la même manière : selon leur vécu et l'ordre dans lequel ils perçoivent les images, les spectateurs vont s'emparer de celle-ci de manières différentes et créer des associations avec leurs expériences de vie.
# Il faut également entrevoir l'idée que la forme du polyptyque segmente l'oeuvre. PLus particulièrement dans l'oeuvre de Kentridge, les différents panneaux permettent au regard du spectateur de s'arrêter sur un cadre en particulier comme si notre regard était condintionné par les limtes d'un cadre.
# Les très légères différences d'orientation des écrans qui construisent l'espace narratif de l'oeuvre de Kentridge ainsi que les écarts qui dessinent des bandes noires entre ces écrans permettent aux spectateurs de fixer leur attention dans des espaces bien définis.
William Kentridge (1955-), vue d’installation de More Sweetly Play the Dance, 2015 à la Marian Goodman Gallery, New York, 2016, installation vidéo 8 canaux haute définition, 15 min, avec 4 porte-voix. Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa
Figuration et construction de l'image
Dialogues entre narration figurée, temps, mouvement et lieux : temps et mouvement réels ou suggérés, temps de la production, de la présentation, de la réception, l’éphémère, mouvement du spectateur…
# Ces problématiques de temporalité évoquées dans le titre sont fondamentales dans l'oeuvre de William Kentridge. Le temps est effectivement à l'oeuvre dans More sweetly Play the dance. Dans la vidéo, et par extension dans les installations vidéo, le temps est le premier matériau de l'artiste.
# On retrouve clairement cette question des dialogues entre narration, temps, mouvement et lieux dans une autre installation monumentale et immersive de William Kentridge : The refusal of times. Dans cette autre oeuvre de Kentridge, la multiplication des points de vue, le sons, le mouvement des images filmées et des animations, le moiuvement des sculptures disposées dans l'espace de l'oeuvre, confrontent le spectateur à son impossibilité de saisir simultanément toutes les informations diffusées par l'oeuvre.
# Ce sont donc des bribes de l'oeuvre que vont saisir les spectateurs qui se retouvrent dans l'impossibilité de saisir de manière omnisciente toutes ces informations...
# La vidéo se réalise sur une "timeline" et s'expose dans le temps de la durée de la bande. More Sweetly play the dance dure une quinzaine de minutes. Quinze minutes au cours desquelles les mouvements réels des acteurs s'associent aux mouvements plus subtils de l'animation et le cas échéant, aux mouvements des spectateurs qui peuvent se déplacer pour appréhender l'oeuvre selon différents points de vue.
Figuration et construction de l'image
Rhétoriques de l’image figurative : symbolisation, allégorie, métaphore, métonymie, synecdoque…
#L'oeuvre More sweetly play the dance de William Kentridge est forte d'une rhétorique complexe. Les squelettes sont des représentations allégoriques de la mort. Une allégorie est la représentation imagée d'une idée abstraite. La mort est bien une idée abstraite et la danse macabre que propose Kentridge joue avec cette représentation personnifiée de la mort au travers du squelette dansant parmi les vivants.
# Les portraits découpés en ombres chinoises dans de l'acier fonctionent dans l'oeuvre de Kentridge comme des synecdoques. C'est-à-dire que ce sont des détails qui expriment un ensemble plus vaste qui représente la civilisation Sud-Africaine et les grands hommes et femmes qui ont constitué son histoire. On peut également considérer les intervenants de cette installation vidéo comme des litotes pour représenter la civilisation dans son ensemble (litote : dire peu pour exprimer beaucoup).
# Dans la plupart de ses oeuvres, Kentrige use abondamment de métaphores pour marquer son attachement à toute forme de justice et à l'humanisme. dans l'image ci-dessus, le personnage qui porte une cage est à comprendre comme une métaphore de toutes les formes de privation de liberté, dans quelque civilisation que ce soit.
# Ces personnages qui ressemblent à des malades qui traînent avec eux leur perfusion évoquent de manière métaphorique les maux de nos sociétés contemporaines. Tout, dans l'oeuvre de Kentridge, pourrait trouver son interprétation au travers des figures de style qui caractérisent la rhétorique de l'image. Cela-dit, la maîtrise des figures de style est un exercice complexe, qui plus est quand il est appliqué à l'image figurative... Mais il est évident que Kentridge ne propose très rarement une illustration littérale des idées qu'il cherche à transmettre. Le spectateur doit donc faire un effort pour saisir et percevoir dans l'image ce que l'artiste veut nous faire comprendre de sa pensée... Le spectateur doit donc s'efforcer de "lire entre les lignes".
Métaphore: C'est une comparaison sans outil de comparaison. Deux idées sont associées pour créer une correspondance impossible dans la réalité. L'idée A est remplacée par une idée B et la relation entre elles dépend de la manière de voir de l'auteur, de l'interprétation qu'il souhaite lui donner, de la connotation de l'image choisie.
Métonymie : Une idée A est remplacée par une idée B, les deux idées ayant un rapport logique entre elles. A est un élément de B, un détail ou une partie. Il y a ici un déplacement visuel sur un concept "contenant" afin d'exprimer le "contenu"
Synecdoque : C'est une forme particulière de métonymie dans laquelle B est une partie de A. Le détail exprime l'ensemble.
Allégorie : C'est la représentation imagée d'une idée abstraite en utilisant des symboles et quelquefois la personnification.
Anacoluthe : L'anacoluthe est une transformation de la syntaxe qui survient de manière innatendue. Elle peut sembler être une erreur.
Litote : Cette figure de style consiste à dire peu pour exprimer beaucoup.
Euphémisme : C'est une manière d'atténuer la portée du message en remplacant le motif par un autre moins choquant.
Hyperbole : Procédé inverse de l'euphémisme qui consite à amplifier une idée pour la mettre en relief.
Anaphore : Répétition d'un motif qui permet d'insister sur l'idée ennoncée.
Oxymore : C'est la mise en relation au sein d'un même visuel ou d'un même plan de construction de deux idées opposées.
Ellipse : L'ellipse consiste à ne pas représenter l'idée ou le sujet qui sont évoqués.
Gradation : Cette figure de style se caractérise par l'emploi successifs de motifs de plus en plus tant au niveau de leur connotation que de leur disposition dans l'espace visuel.
La matière, les matériaux, la matérialité de l'oeuvre.
William KENTRIDGE (1955-)
William Kentridge (1955-), More Sweetly Play the Dance, 2015, dimensions variables, installation vidéo 8 canaux haute définition, 15 min, avec 4 porte-voix,
Ottawa, musée des beaux-arts du Canada.
Propriétés de la matière et des matériaux, leur transformation :
# L'usage du fusain génère dans l'oeuvre de Kentridge une matérialité singulière. Par le jeu des ombres et lumières, le fusain impose une matière puissante et fragile : puissante par les oppositions de noirs et de blancs sur le papier ; fragile car s'il n'est pas fixé, le dessin peut s'effacer ou du moins s'estomper par simples fortements...
# Kentridge exploite en effet le fusain pour sa facilité d'estompage. Avec le fusain, le dessin est comme malléable. Le fusain permet à l'artiste de travailler de très grandes surfaces comme de très petits détails. Cet outil permet à l'artiste de transformer le dessin en fonction de ses besoins.
# Pour William Kentridge, "Le dessin permet d'éprouver les idées; c'est une version élaborée de la pensée. Cela ne vient pas instantanément comme une photographie. La façon incertaine et imprécise dont s'élabore un dessin est parfois un modèle pour construire du sens."
# Nous l'avons déjà vu, le fusain permet à l'artiste d'engager tout son corps dans la pratique du dessin. Les traces des gestes s'accumulent image après image créant une matière mouvante dans ce que l'on pourrait considérer comme l'arrière plan des dessins.
# Pour Kentridge, "le fusain crée des conditions favorables pour que l'oeuvre se réalise". On peut supposer que ce que veut dire l'artiste, c'est que le fusain autorise un processus de création qui ne fige pas la pratique en regard de gestes traditionnels immuables mais qui au contraire, permet de multiplier les expérimentations graphiques et d'explorer des territoires visuels inconnus.
# Le travail de William Kentridge ne se limite pas à l'usage du fusain. Kentridge est un bricoleur. Dans son atelier, il manipule, découpe, déchire, dessine, colle, combine diverses réalisations... les expose, les observe, puis les reprend pour les transformer, les améliorer, les faires siennes et atteindre ce que l'artiste cherche à transmettre.
# William Kentridge est un chercheur. Dans la simplicité des matériaux et des manipulations qu'il met en oeuvre, il cherche à révéler le potentiel plastique de toute chose. Au travers de la plasticité de ses réalisations, c'est le potentiel poétique des formes, des lignes et des couleurs que l'artiste nous révèle et de ce potentiel poétique, l'artiste sait extraire le potentiel sémantique.
# Les oeuvres de Kentridge ont du sens et l'artiste parvient merveilleusement à créer du lien entre le potentiel plastique de ses images et les histoires qu'elles racontent. Il incite le spectateur à entrer dans son oeuvre par le biais de la plasticité mais ne le laisse pas se laisser distraire par de simples effets visuels. Kentridge ancre ses recherches plastiques dans la réalité parfois dure de notre monde contemporain.
# dans l'oeuvre de Kentridge, les états et les caractéristiques de la matière ne sont que les échos de la perception du monde par l'artiste et de la manière dont il veut transmettre sa perception du monde.
Valeur expressive des matériaux : attention aux données matérielles et sensibles de l’œuvre, primauté du langage plastique des matériaux...
William Kentridge (1955-),Untitled (dessin pour The Head & The Load, Tondo II), 2018, fusain, crayon de couleur rouge et collage de textes sur papier
# On ne peut contester l'idée que William Kentridge est attaché à la valeur expressive des matériaux et des objets qu'il utilise. Ses oeuvres témoignent d'une sensibilité plastique qui fait dialoguer les formes artistiques et génèrent des oeuvres d'art totales aux effets cathartiques souvent très forts : en combinant dessins, animations, vidéos, performances et mises en scène théâtrales, l'artiste propose aux spectateurs des expériences esthétiques hors du commun.
# c'est au travers de la singularité de ses oeuvres que Kentridge parvient à introduire une dimension politique. L'artiste affirme qu'il s'intéresse à la politique, c’est-à-dire à un art de l’ambiguïté, de la contradiction, de gestes simples et de fins incertaines.
William Kentridge (1955-),The Head and the Load, 2018 (détail de la performance au Park Avenue Armory de New York).
# L'engagement politique de William Kentridge se réalise en regard d'un engagement esthétique. Au travers de la plasticité de ses oeuvres, l'artiste convoque les mémoires intimes et collectives en créant du lien avec les histoires du monde qu'il évoque.
# On pourrait plus facilement rapprocher la sensibilité de William Kentridge à celle d'un Otto Dix, très expressionniste et subjective, qu'à celle de Hans Haacke, dont la dimension plastique est bien souvent traitée de manière plus froide et plus impersonnelle, empruntant le plus souvent les codes de la communication visuelle de l'univers de la publicité.
Otto DIX (1891-1969) :
Otto DIX (1891–1969),Wounded Manfrom The War (Autumn 1916, Bapaume) (Blessé de guerre), 1924, gravure à la pointe sèche, eau-forte et aquatinte, 35 x 47,4 cm, Museum of Modern Art (MoMA), New York.
Texte du MoMA à propos de l'oeuvre d'Otto Dix :
Apparu dix ans après le début du conflit, le portfolio monumental d'Otto Dix, Der Krieg (La guerre), ne glorifie pas la Première Guerre mondiale ni n'héroïse ses soldats, mais montre, en cinquante images d'un graphisme implacable, les horribles réalités vécues par quelqu'un qui y était. Dix, artilleur dans les tranchées de la Somme et sur le front de l'Est, s'est concentré sur les conséquences des batailles : soldats morts, mourants et choqués par les obus, paysages bombardés et tombes.
Dix a manipulé les techniques de gravure et d'aquatinte pour renforcer les effets émotionnels et réalistes de ses images d'horreur méticuleusement rendues. Il a supprimé les os blancs effroyables et les bandes de no man's land, laissant des taches blanches brillantes ; de multiples bains d'acide ont rongé les images, imitant la chair en décomposition.
Hans HAACKE (1936-)
Hans HAACKE (1936-),MetroMobiltan, 1985, Fronton en fibre de verre, 1 plaque en fibre de verre avec texte en anglais, 1 photographie noir et blanc en 5 parties contrecollées sur isorel, 3 bannières en tissu synthétique polyester montées chacune sur 2 tubes en aluminium : à gauche et à droite 2 bannières bleues avec texte en anglais (lettres en tissu polyester blanc découpées et cousues), au centre 1 bannière marron avec agrandissement photographique en tissu découpé et cousu et texte en anglais), estrade en 8 éléments de fibre de verre peinte à l'acrylique, 355,6 x 609,6 x 152,4 cm, Musée National d'Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris.
Texte du MNAM, Centre Georges Pompidou, à propos de l'oeuvre de Hans Haacke :
Hans Haacke souhaite ancrer l’art dans le contexte concret de la société et l’ouvrir sur la politique. Cet intérêt est manifeste dans cette œuvre de 1985, MetroMobiltan, dont le titre associe non sans humour le nom du Metropolitan Museum of Art de New York à celui de la compagnie pétrolière Mobil. Haacke dénonce ici la situation éthique paradoxale d’une multinationale qui tente de racheter son image, ternie par son appui au gouvernement de l’apartheid, en soutenant des manifestations culturelles, et ce, avec la complicité des institutions artistiques dépendantes de ce financement.
Élargissement des données matérielles de l’œuvre :
Intégration du réel, usages de matériaux artistiques et non-artistiques.
William Kentridge (1955-),Singer trio, 2019, machines à coudre Singer, perceuses, règles en bois anciennes, acier doux, aluminium, bois, électronique, bande sonore : 3 minutes 39 secondes , 163 x 176 x 50 cm, William Kentridge Studio.
# William Kentridge ne travaille pas qu'avec le fusain. Pour concevoir ses oeuvres immersives et spectaculaires, on ressent son besoin de s'entourer d'une multitude de matériaux et d'objets qui font sens pour lui et qu'il peut exploiter dans ses installations.
# Le site internet de l'artiste propose par exemple un item de recherche nommé
Capture d'écran d'une page du site de William Kentridge qui regroupe des oeuvres réalisées à partir d'objets trouvés
Depuis la Nature morte à la chaise cannée (1912) de Pablo Picasso et Foutain (1912), de Marcel Duchamp, l'intégration d'éléments réels dans les oeuvres d'art est devenue monnaie courante au cours du XXème siècle.
# On retrouve d'ailleurs des références évidentes à l'oeuvre de Duchamp dans certaines constructions de William Kentridge :
William Kentridge (1955-), Sculpture cinétique du refus du temps (C-Curve), 2011, objets trouvés, acier doux, feuilles d'aluminium, bois, 230 x 100 x 100 cm, William Kentridge Studio.
# William Kentridge sait transfigurer les matières, matériaux et objets qu'il utilise régulièrement et diversement dans ses oeuvres. Ces usages d'objets et de matériaux divers restent malgré tout très cohérents d'une oeuvre à l'autre de l'artiste tant on peut les retrouver dans ses différentes réalisations. Ces matières, matériaux et objets se constituent presque en une signature esthétique du travail de l'artiste. C'est-à-dire que grâce à ceux-ci, le spectateur voit la cohérence de l'univers artistique de Kentridge d'une oeuvre à l'autre...
# Au travers de ses pratiques d'assemblage et de collages, William Kentridge se fait en quelque sorte l'héritier des pratiques collagistes des Dadaïste du début du XXème siècle.
Le site du centre Pompidou présente ainsi le mouvement Dada :
L’esprit Dada, inextricablement lié au contexte historique où il apparaît, à la montée du nihilisme annoncée par Nietzsche, est une « force réactive », un concentré d’énergies en action où toutes les grandes questions, même sous la forme de la bouffonnerie et de la provocation, entrent en jeu. Au-delà de la révolte et de la protestation, Dada repense à neuf la peinture, la poésie, la photographie, le cinéma. Il est à l’origine de l’art moderne et contemporain qui inscrit le non-art dans l’art, invitant à revoir les catégories esthétiques et le sens du beau.
# Cette définition de l'esprit Dada est presque une définition de celui qui se retrouve dans les oeuvres de William Kentridge et c'est sans doute au travers des libertés que prend l'artiste en combinant divers objets et matériaux (artistiques et non-artistiques) dans ses réalisations.
Renouvellements de l’œuvre : pratiques sociales, évènements, gestes, rites, happenings comme sujets des œuvres et moyens d’expression des œuvres...
# More sweetly play the dance et de nombreuses autres oeuvres immersives de William Kentridge sont effectivement à appréhender comme des évènements ou des happenings au travers desquels l'artiste parvient à transmettre sa vision et peut-être même son analyse du monde contemporain et des grandes étapes sociales de sa construction.
# Chaque dessin, chaque objet, chaque animation ou encore chaque son de ces installations monumentales constituent autant de portes d'entrées pour le spectateur : la présence d'un objet (les porte-voix par exemple) va générer des images et des souvenirs dans l'esprit des spectateurs ; une animation va venir résonner avec ces objets et en amplifier la portée symbolique ; le son enfin, qui est un véritable matériau dans les oeuvres de Kentridge va contribuer à créer une ambiance favorable à la perception et à la juxtaposition sémantique des nombreux éléments qui constituent l'oeuvre...
William Kentridge (1955-), More Sweetly Play the Dance, 2015, dimensions variables, installation vidéo 8 canaux haute définition, 15 min, avec 4 porte-voix, Ottawa, musée des beaux-arts du Canada.
Conditions et modalités de la présentation du travail artistique :
# La question de la présentation est à appréhender comme les stratégies mises en oeuvre par les artistes pour donner à voir leur travail. Le plus souvent, ce sont bien les artistes qui déterminent la manière dont une oeuvre doit être présentée. Généralement, les modalités d'exposition des oeuvres sont pensées en amont par l'artiste et les espaces d'exposition doivent le plus fréquemment s'adapter au contraintes matérielles des oeuvres. Parfois, ce sont les oeuvres qui peuvent s'adapter aux contraintes spatiales du lieu d'exposition
# More sweetly play the dance est une oeuvre dont les modalités de présentation sont évidentes. L'oeuvre nécessite la mise en place de huit écrans de projection qui accueillent les huit sections de la procession imaginée par Kentridge. Selon les espaces dans lesquels l'oeuvre est exposée, la courbure de la disposition de ces écrans peut changer sensiblement.
# Invariablement, on retrouvera dans le dispositif imaginé par Kentridge, les huit porte-voix qui semblent être branchés. Il est fort probable que le son de l'installation passe par ces porte-voix pour se répendre dans l'espace de manière plus affirmée et sans doute avec une sonorité singulière (une sonorité que l'on peut imaginer comme assez métallique).
William Kentridge (1955-), More Sweetly Play the Dance, 2015, dimensions variables, installation vidéo 8 canaux haute définition, 15 min, avec 4 porte-voix, Ottawa, musée des beaux-arts du Canada.
# More sweetly play the dance n'est pas une oeuvre in-situ. Elle n'a pas été conçue pour un lieu précis. Il semble d'ailleurs que les oeuvres de Kentridge ne sont jamais conçues pour être confinées dans un espace unique. Il est important de bien comprendre qu'il y a quelque chose de théâtrale dans chacune des oeuvres de Kentridge et cette dimension implique que ces oeuvres doivent pouvoir s'adapter et se jouer en différents lieux, comme c'est généralement la cas dans le spectacle vivant.
# Du fait de la formation de l'artiste, il existe effectivement un lien fort entre les oeuvres immersives de William Kentridge et le spectacle vivant. De nombreuses photographies montrent l'artiste dirigeant ses acteurs tel un metteur en scène.
William Kentridge (1955-), More Sweetly Play the Dance, 2015, dimensions variables, installation vidéo 8 canaux haute définition, 15 min, avec 4 porte-voix, Ottawa, musée des beaux-arts du Canada.
Éléments constitutifs, facteurs ou apports externes.
# More sweetly play the dance est une oeuvre au travers de laquelle l'artiste juxtapose ou "colle" des dessins (animés) avec de la vidéo et des objets réels. Les éléments constitutifs de l'oeuvre semblent de fait très hétérogènes et par le biais de la projection vidéo, Kentridge parvient à créer une oeuvre réellement homogène dans laquelle chaque élément et chaque technique semblent trouver leur place et jouer leur rôle à la perfection.
William Kentridge (1955-), Dessin pour More Sweetly Play the Dance, 2014, encre de chine, crayon de couleur, blanc de correction et fusain sur papier de récupération, 19 x 27 cm.
# La vidéo permet à l'artiste de produire, à partir de moyens techniques qu'il maîtrise pleinement, des oeuvres de grande envergure aux effets cathartiques très fort. Par la forme très immersive de l'installation qui englobe le spectateur, par la présence d'un son envoûtant, répétitif et assez puissant, par la luminosité de l'image projetée, More sweetly play the dance produit à coup sûr des effets dans l'esprit du spectateur qui transforment ou renouvellent immanquablement sa vision du monde en regard des enjeux socio-politiques développés par les oeuvres de l'artiste.
William Kentridge (1955-), More Sweetly Play the Dance, 2015, dimensions variables, installation vidéo 8 canaux haute définition, 15 min, avec 4 porte-voix, Ottawa, musée des beaux-arts du Canada.
# La vidéo permet à William Kentridge de donner une autre dimension à ses dessins relativement petits qui n'auraient peut-être pas la même résonnance poétique s'ils étaient présentés simplement en tant que dessins. Quand en plus ces petits dessins se constituent en films d'animation, ils apportent aux dispositifs imaginés par Kentridge des effets visuels remarquables qui amplifient ou révèlent la matérialité de l'image vidéo, et accentuent la portée symbolique des images diffusées.
# William Kentridge a suivi deux années de cours de théâtre et de mime à l'école Jacques Lecoq, à Paris. De cette formation, il a gardé un réel goût pour le travail du corps dans toute forme d'expression artistique ainsi que pour le travail de la mise en scène. Il y a donc une grande théâtralité dans les "grandes oeuvres" de Kentridge comme More sweetly play the dance
# On retrouve cette même recherche du spectaculaire (ou de la monumentalité) et du travail du corps de l'artiste dessinant, fusionnés par la biais de la vidéo en Stop Motion, dans le travail du street artiste BLU :
# Les procédés de création de l'animation sont les mêmes chez BLU et William Kentridge. Les artistes réalisent une image, la photographient, l'effacent et réalisent une seconde image, etc... Ce processus finalement assez rudimentaire permet de montrer le film mais aussi son propre processus de création. Le spectateur comprend comment le film s'est construit et saisit l'engagement corporel que suppose de telles réalisations (notamment au travers de la monumentalité de certaines peintures murales de BLU).
Sollicitation du spectateur : accentuation de la perception sensible de l’œuvre : mobilisation des sens, du corps du spectateur...
William Kentridge (1955-), More Sweetly Play the Dance, 2015, dimensions variables, installation vidéo 8 canaux haute définition, 15 min, avec 4 porte-voix, Ottawa, musée des beaux-arts du Canada.
# En présence de More sweetly play the dance , le spectateur est pleinement immergé dans l'oeuvre et il est au coeur les images et des sons. Impossible pour lui d'avoir une vision globale de l'oeuvre et d'en saisir la totalité dans l'instant. Face à More sweetly play the dance , nous sommes obligés de concentrer notre attention sur des parties de l'oeuvre. Notre regard se doit de circuler entre les différents panneaux pour suivre la procession ou bien s'arrêter sur des éléments qui attirent notre attention pour quelques instants.
# On ne peut pas dire que le spectateur soit directement sollicité : l'oeuvre de Kentridge n'est pas interactive. Il y a cependant dans le dispositif choisi par Kentridge une sorte d'interaction entre l'oeuvre et le spectateur. Le spectateur est libre de se déplacer dans l'espace circonscrit par les écrans et libre d'utiliser les chaises déposées ça et là et laissées à sa disposition. Ce faisant, les silhouettes des spectateurs se détachent en ombre chinoise sur les fonds lumineux des écrans de projection. Il se produit ainsi une résonnance visuelle forte entre les silhouettes des acteurs de la procession de Kentridge et les silhouettes des spectateurs. Si More sweetly play the dance parle de notre monde contemporain, alors en tant que spectateur, nous en faisons bel et bien partie...
Contextes d’une monstration de l’œuvre : Lieux, situations, les monstrations éphémères, espace architectural ou naturel, espace patrimonial...
William Kentridge (1955-), More Sweetly Play the Dance, 2015, dimensions variables, installation vidéo 8 canaux haute définition, 15 min, avec 4 porte-voix, vue de l'exposition à l'Arsenal d'Amalfi, Italie.
# L'image ci-dessus montre combien le lieu influe sur le dispositif de présentation d'une oeuvre. Lors de sa présentation à l'Arsenal d'Amalfi, en Italie, l'oeuvre More sweetly play the dance fut installée selon un dispositif plus en longueur. Cette disposition des huit panneaux incitait très probablement les spectateurs à se déplacer un peu plus devant l'oeuvre pour en percevoir les différentes parties. Il est fort probable qu'un individu qui ayant déjà vu l'oeuvre présentée dans un autre contexte la découvrait ici sous un autre angle et en aurait sans doute une lecture renouvellée.
William Kentridge (1955-), More Sweetly Play the Dance, 2015, dimensions variables, installation vidéo 8 canaux haute définition, 15 min, avec 4 porte-voix, vue de l'exposition à l'Arsenal d'Amalfi, Italie.
# Cette dernière image montre combien il peut y avoir des interactions entre l'oeuvre et le lieu de son exposition. A l'Arsenal d'Amalfi, le caractère un peu brut des murs en pierres sombres résonne avec le côté brut du dessin au fusain qui domine l'oeuvre de Kentridge. L'oeuvre quant à elle révèle le lieu de l'Arsenal par sa luminosité, créant une ambiance visuelle qui rend l'enfilade de piliers et de voûtes presque mystérieuses.
# On peut facilement imaginer que dans un tel espace, le son diffusé par l'oeuvre de Kentridge résonne d'une manière bien singulière, amplifié par les formes et les matériaux de l'architecture du XIème siècle.
# Ces interactions fortuites entre l'oeuvre et son espace d'exposition créent un contexte qui permet d'appréhender l'oeuvre dans les meilleures conditions possibles en plongeant le spectateur dans une ambiance visuelle et sonore très singulière qui lui permet de mobiliser tous ses sens et sa concentration dans la perception de l'oeuvre.
# Atelier d’artiste : continuité et évolution de la notion d’atelier, individuel ou partagé, présentation de l’œuvre dans son espace de production...
# William Kentridge dispose d'un compte sur le réseau social Instagram. Ce n'est pas anecdotique. Sur ce compte sont diffusées de nombreuses images et vidéos qui montrent l'artiste et ses collaborateurs dans leur travail de réflexion et de préparation pour les projets en cours de réalisation. Avant même de voir l'oeuvre dans les conditions réelles de son exposition ou de sa présentation, le spectateur en perçoit de manière fragmentaire les étapes de sa création et en saisi à l'avance les principaux enjeux.
# Au travers de ces partages réguliers, l'artiste donne de la visibilité aux processus de création de ses oeuvres. Habituellement, le travail dans l'atelier est la partie immergée de l'iceberg que constitue l'oeuvre d'art. C'est en effet la partie la plus importante du travail de l'artiste mais c'est celle à laquelle le spectateur n'a généralement pas accès. Par l'usage d'un réseau comme Instagram, Kentridge donne de la visibilté à tout ce travail d'atelier et par là même, il donne de la visibilité au travail de tous les collaborateurs qui l'accompagnent dans ses recherches.
# D'une certaine façon, on peut penser qu'au travers de cet usage d'Instagram, William Kentridge cherche à désacraliser un peu l'oeuvre d'art tout en valorisant la dimension très humaniste de ses processus de création...
Monstration à un public large ou restreint dans des espaces spécialisés : inscription de l’œuvre dans un espace pensé pour sa monstration, rapport à l’architecture...
William Kentridge (1955-), Projet The Head & the Load, 2018, avec Philip Miller, Thuthuka Sibisi, Gregory Maqoma, processional opera in one act, 1 heure et 25 minutes, Musique : Philip Miller, Thuthuka Sibisi, Director : William Kengtridge, Co-Directir : Luc De Wit, Première représentation à la Turbine Hall de La tate Modern, à Londres, le 11 Juillet 2018 .
# Très souvent, les oeuvres de Kentridge s'apparentent à des pièces théâtrales ou des opéras. Ces dispositifs supposent que la monstration se fasse dans des espaces spécialisés, souvent pour des publics restreints (par le nombre de places). C'est l'une des spécificités de cette volonté qu'a Kentridge de créer des oeuvres d'art totales qui mélangent les genres et les disciplines artistiques.
# Dans l'oeuvre de William Kentridge, More sweetly play the dance demeure une oeuvre relativement "classique". C'est-à-dire que son installation peut se faire en tous lieux et sans contraintes majeurs. Enregistrée, elle peut se jouer indéfiniment au cours d'une journée d'exposition.
# More sweetly play the dance relève plus de l'installation vidéo que du théâtre ou de l'opéra mais elle en possède malgré tout les particularités. C'est ce qui en fait son caractère si singulier et qui nous renvoit, au travers des programmes d'Arts Plastiques, à cette idée de Mise en scène de l'image.
Mises en espace, mises en scène, scénographies : partis- pris plastiques, place du public...
# Toutes ces notions sont bien évidemment essentielles dans l'oeuvre de William Kentridge car elles en sont les principaux fondements. William Kentridge est peut-être avant tout un metteur en scène qui ne peut se soumettre à une forme artistique unique figée dans l'espace et dans le temps.
# Il ne peut se résoudre à n'explorer qu'une seule forme artistique à la fois. Même enregistrée, une oeuvre de Kentridge comme More sweetly play the dance est un savant mélange de théâtralité, de constructions, des dessins et de technologies numériques, le tout organisé, travaillé et pensé dans l'atelier de l'artiste...
William Kentridge (1955-), More Sweetly Play the Dance, captation vidéo de la procession, 2015, dimensions variables, installation vidéo 8 canaux haute définition, 15 min, avec 4 porte-voix.
Le champ des questionnements transversaux.
William KENTRIDGE (1955-)
L’artiste et la société :
Faire œuvre face à l’histoire et à la politique
# La plupart des biographies consacrées à William Kentridge évoquent sans détours l'engagement politique et social de William Kentridge qui sait aborder à la fois de manière poétique et critique des sujets tels que la décolonisation, l'Apartheid, les conflits politiques ou le rôle de l'Afrique dans le conflit de la première guerre mondiale...
# More sweetly play the dance n'échappe pas à ce regard poliitique et social de Kentridge sur le monde revendiqué par l'artite : "je produis un art politiquz, c'est-à-dire ambigu, contradictoire, inachevé, orienté vers des fins précises : un art d'un optimisme mesuré, qui refuse le nihilisme" (nihilisme : négation des valeurs bourgeoises dominantes)
# Toutes les oeuvres de William Kentridge sont teintées de cette dimension politique qui lui est chère car elle lui vient de ses parents, avocats sud-africains très engagés dans la lutte contre l'Apartheid
# Comme le précise Léa Bismuth, commissaire d'exposition et critique d'art, "pour Kentridge, l’animation est en soi une forme politique, une interface, une sorte de membrane permettant de donner vie à ce qui se joue entre les aspirations subjectives de l’individu et son rapport au monde extérieur. Dès lors, toutes les traces et les effets de flou sont un moyen de faire respirer sa mémoire, dans sa dimension transitoire et changeante. Le monde est mouvant comme les images d’un film."
# Grâce à l'art, grâce au dessin, William Kentridge dénonce toutes les formes de totalitarisme, les injustices sociales et les dérives de ceux qui détiennent le pouvoir. On retrouve cette même volonté au travers de très nombreuses oeuvre de l'artiste chinois Aï Weiwei qui s'oppose lui aussi à toute forme de pouvoir. Si les procédés plastiques de l'artiste chinois diffèrent de ceux explorés par Kentridge, les deux artistes se rejoignent sur le fond en se penchant sur les grands enjeux de la condition humaine et en se plaçant du côté des opprimés et du peuple.
# Engagement artistique spontané ou documenté dans les débats du monde
# Recours aux documents, aux archives et aux traces.
William Kentridge (1955-), Projet The Head & the Load, 2018, avec Philip Miller, Thuthuka Sibisi, Gregory Maqoma, processional opera in one act, 1 heure et 25 minutes, Musique : Philip Miller, Thuthuka Sibisi, Director : William Kengtridge, Co-Directir : Luc De Wit, Première représentation à la Turbine Hall de La tate Modern, à Londres, le 11 Juillet 2018 .
William Kentridge (1955-), Projet The Head & the Load, 2018, avec Philip Miller, Thuthuka Sibisi, Gregory Maqoma, processional opera in one act, 1 heure et 25 minutes, Musique : Philip Miller, Thuthuka Sibisi, Director : William Kengtridge, Co-Directir : Luc De Wit, Première représentation à la Turbine Hall de La tate Modern, à Londres, le 11 Juillet 2018 .
# L’art et le travail de mémoire, le témoignage d’événements du passé et du présent
L’art, les sciences et les technologies :
Dialogue ou hybridation
# Assimilation, appropriation, réorientation de connaissances scientifiques et de technologies pour créer.
# Collaborations entre artistes et scientifiques, connaissances en partage, influences réciproques